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Entretien avec Christian Noubissi, Doctorant/ ingénieur d’étude chez Tractebel/ Centrale Supélec.
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Quels sont les principaux enjeux de votre sujet de recherche, le comportement des tunnels pressurisés en milieu urbain ?
Le transport souterrain est un moyen privilégié pour accommoder les besoins de mobilité d’une population urbaine croissante. Les tunnels des lignes de métro sont aujourd’hui réalisés à l’aide de tunneliers dont les technologies n'ont cessé de s'améliorer depuis 1950. La pression générée par les tunneliers peut engendrer des mouvements en surface et des dégâts sur les avoisinants. D’où l’importance de prévoir la réponse des sols lors du passage du tunnelier, en milier urbain, dans des projets comme le Grand Paris qui implique le prolongement et la construction de plusieurs lignes de métro. Or, c’est une étape très complexe.
Réponse du sol au creusement de tunnel et effet sur les avoisinants
D’où vient cette complexité et comment proposez-vous de la traiter ?
La difficulté principale tient au fait que la composition des sols est toujours très hétérogène, avec des couches de sol qui réagissent différemment au creusement. Ces réactions complexes peuvent être simulées en 3D, méthode précise et complète mais nécessitant des ordinateurs puissants et un temps de calculs important, ou en 2D, méthode plus rapide (1 minute comparé à 2 jours) mais moins précise et donc plus incertaine. Pour rendre compte de l’hétérogénéité des sols et les incertitudes qui en découlent, mon travail consiste à introduire une approche probabiliste pour déterminer l’ensemble des réactions possibles du sol dans les modèles 2D. La difficulté est qu’intégrer ces paramètres aux outils de modélisation demanderait des milliers de simulations et donc un temps considérable. C’est pourquoi mon approche propose de recourir à des algorithmes de types Intelligence Artificielle.
En quoi l’utilisation d’algorithmes permet-elle de répondre aux difficultés que vous décrivez ?
Les algorithmes peuvent « apprendre » des données issues de travaux déjà réalisés et permettre ainsi de développer un méta-modèle représentant un ensemble de réactions possibles des sols au creusement d’un tunnel. Cette méthode a notamment fait ses preuves via une application sur les travaux de prolongement de la ligne 12 du métro parisien et sur le projet du Grand Paris en identifiant correctement les couches de sol les plus sensibles et les plus susceptibles d’impacter la surface, ce qui constitue une aide à la décision pour les ingénieurs.
Quels sont les bénéfices de cette approche ?
Tout d’abord, un énorme gain en temps de calcul : là où même les outils de modélisations 2D « classiques » auraient requis plus de 4 000 simulations d’une minute chacune, le méta‑modèle peut réaliser une analyse en quelques secondes. De plus, il s’agit d’une méthodologie efficace et fiable pour mieux incorporer les incertitudes dans le cadre de tout projet géotechnique. Il sera très intéressant de voir comment l’appliquer dans d’autres domaines à l’avenir.
Entretien extrait du rapport d'activité 2020 Tractebel France - Innovation collective
Retrouvez Christian Noubissi et nos experts en ouvrages souterrains lors du prochain congrès de l'AFTES du 6 au 8 septembre prochain.